Vous avez participé dans le passé comme photographe aérien ou membre d'équipage à des missions de photographies aériennes civiles ou militaires ?
Votre expérience contient de multiples souvenirs et anecdotes que les générations numériques ont certainement du mal à imaginer, cet endroit vous est réservé faites nous en part en quelques lignes ou en quelques pages par mail et nous les publierons ici avec beaucoup de plaisir !
Durant la seconde guerre mondiale quelques Spitfire basés en Angleterre étaient peints d'un bleu uniforme au lieu des habituelles couleurs de camouflage vert et brun, on les avait construits sans aucun armement : à la place des quatre mitrailleuses : Deux réservoirs supplémentaires, leur pare-brise ne comportait aucun blindage, et bizarrement, à la place des cocardes Anglaises figurait l'étoile Américaine de l'US Army Air Force...
Un avion de chasse sans armement ni blindage c'est déjà surprenant, mais quand on découvre que le principe même de leurs missions impliquait de se jeter dans la gueule du loup, seuls, et sans aucune escorte pour les couvrir...
Les Spitfire bleus en fait, étaient taillés pour voler plus vite, plus haut et plus loin que les autres. Spécialement équipés d'appareils photo, ils décollaient depuis la base de Mount Farm dans le centre de l'Angleterre, direction le cœur du 3ième Reich, leur mission : ramener les photos aériennes qui permettraient de détecter les objectifs des futures missions pour les bombardiers, ou d'analyser les résultats des bombardements de la veille. Ils étaient les yeux et les « pathfinders » des autres. Un travail dangereux, qui force le respect et mérite les honneurs, mais comme il imposait beaucoup de discrétion, les hommes qui pilotaient ces avions et les exploits qu'ils ont réalisés sont très vite tombés dans l'oubli : très regrettable.
Mais l'Histoire parfois, s'amuse à remettre des souvenirs oubliés sur le devant de la scène...
Retour arrière : En 1939, Jim Savage, Californien s'engage dans l'armée américaine, il est affecté comme médecin dans une unité de photographie aérienne qui vole sur P38. En 1942, pour cause de seconde guerre mondiale l'unité quitte les USA pour l'Angleterre. Les vols à haute altitude dans le climat d'hiver européen font geler les régulateurs des turbocompresseurs de leurs P38 créant de nombreuses pannes, l'unité passe donc très vite sur ces fameux Spitfire bleus : la version PR-XI capable de croiser à plus de 30.000 pieds. Jim ne pilote pas, mais avec sa caméra de poche filme un peu chaque jour la vie quotidienne de son escadron. L'un de ses films montre l'atterrissage sur le ventre d'un Spitfire bleu rentrant de mission. À l'époque les films et photos personnels des militaires américains étaient expédiés aux USA pour y être développés par le service des armées, vérifiés par la censure puis remis aux familles des boys. Jim n'a donc pu voir ses images qu'après la guerre, lors de son retour aux USA en 1947. Souvent, il les a projetés mais seulement pour sa famille et quelques amis. Jim décède en 2005, et laisse quantités de ses films dans deux vielles valises au grenier. En 2006, son petit neveu décide de les numériser et en les regardant comprend que tous les soldats qui figurent sur ces images ne les ont en fait jamais vues. Quelle serait leur réaction si on les leur montrait 60 ans plus tard ? Surement émouvante, mais comment les retrouver ?
L'immatriculation visible sur le Spitfire bleu d'un des films est le point de départ, elle permet à Google de retrouver le lieu, la date et même le nom du pilote qui a posé ce Spit sur le ventre : John Blyth. John avait 20 ans à l'époque, il en a 83 en 2006 et vit à Seattle. Le contact s'établit et le neveu de Jim Savage va à la rencontre de John Blyth, sans vraiment lui dire qui il est, juste prétextant qu'il veut réaliser un documentaire sur les pilotes de reconnaissance. L'histoire des Spitfires bleus émerge lors de cette rencontre dans le récit de John avec un luxe de détails. Jim filme chaque seconde de ces instants, il a en tête un documentaire mêlant images d'archives et celles de son interview avec John.
Les Spitfires bleus ont pris plus de 5 millions de photos aériennes pendant la guerre, John à lui seul à fait 51 missions de reconnaissances sur l'Allemagne, certaines jusqu'à Berlin, toujours seul, toujours sans escorte, toujours sans armement, en passant généralement 3 ou 4 fois de suite au-dessus de chaque objectif pour être sûr d'avoir les bonnes images et de l'avoir couvert en totalité. Quand on sait qu'une des règles d'or dans la chasse pour ne pas laisser le temps à l'ennemi de réagir est de toujours se limiter à un seul passage, on imagine ce que signifie en terme de prise de risque, le fait de devoir en faire 3 ou 4 sur chacun des 8 à 15 objectifs que comportait chaque mission. Le meilleur pied de nez qu'ait fait John au führer ? : le vol où il passe en plein jour, plus d'une demie heure seul au-dessus de Berlin à faire des photos, il lui vaudra la Distinguished Flying Cross. John dans les souvenirs qu'il évoque parle spontanément de ce jour où il s'est posé train rentré, il se souvient même qu'il avait été filmé mais il n'a jamais vu les images et ne sait pas ce qu'est devenu celui qui les a tournées... Jim lui montre alors cette séquence tournée 63 ans plus tôt par son grand-oncle...
Le regard de John quand il découvre ces images se remplit d'une émotion rare, dans le documentaire de Jim, cette séquence se passe à partir de 11:05 et le documentaire en question est ici : www.youtube.com/embed/ie3SrjLlcUY
À la fin du documentaire, John n'évoque plus ses exploits, mais le souvenir qu'il a de cet avion qu'il pilotait, tout est dit en une phrase : « every pilot should fly a Spitfire, at least once in their life – it was beautiful ».
Je n'ai aucun mal à le croire, mais en plus de l'admiration pour l'avion, j'en ai aussi pour John et pour tous ces autres pilotes de Spitfire bleus, des pilotes, qui du haut de leurs 20 ans, prenaient beaucoup de risques pour faire progresser la photographie aérienne et bien plus de choses encore, au services des générations futures...
JL Kaiser.
Photographes aériens première guerre mondiale - Photo DR
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